« Dix ans déjà… ? » Pensais-je tandis-ce qu'une vague d'émotions s'emparait de moi. Je n'avais pas quitté mon lit depuis hier après ma discussion avec Pai. Je soulève lourdement mon avant-bras de mon visage, qui jusque là cachait mes yeux de la lumière agressive de ce début d'après-midi. Je me mets à détailler le plafond de ma chambre à yeux mis-clos le temps de m'adapter à l'éclairage. Je n'avais presque pas dormis de la nuit et le peu de sommeil auquel j'ai eu le droit était loin d'être reposant. Je n'ai cessé de voir son visage... son si beau visage. Je ferme à nouveau les yeux pour mieux me le remémorer me sentant envahie par la nostalgie. Ses cheveux roux, ses yeux noisettes, son sourire, ses joues rebondies et son petit nez retroussé. J'arrive à me le visualiser dans les moindres détails même après toutes ces années... Très vite mon esprit dérive vers le reste de son apparence ; sa taille marquée, ses courbes, ses doigts délicats, son teint de pêche, bien que je n'ai rarement eu l'occasion de poser mes mains sur son corps si frêle c'est comme si je le sentais encore sous mes doigts rugueux, pressée contre mon torse... Je ne peux m'empêcher de me mordre la lèvre inférieure. Machinalement je recouvre à nouveau mes yeux de mon avant-bras tentant en vain de retenir ma peine. Une larme roule le long de ma joue pour finir sa course dans mon cou. Notre conversation d'hier après-midi reviens en écho dans mon esprit ; 

« Pourquoi voulais-tu me voir Pai ? Y a-t-il un problème ? » Demandais-je l'air soucieux en refermant la porte de son bureau derrière moi.

« Kisshu... Je pense que tu ferais mieux de t’asseoir » Annonça-t-il d'une voix grave debout devant son fauteuil

J’obtempère comprenant la gravité de la situation et ne peux m'empêcher de m'inquiéter davantage en prenant place dans le siège visiteur en face de lui. Il s'assoit à son tour, prend appuie sur son bureau et croise ses doigts devant son visage. Après de longues secondes de silence durant lesquelles il devait certainement chercher ses mots, il se mit à parler :

« Comme tu le sais nos ressources en nourritures ont énormément diminuées durant ces deux dernières années. Taruto qui s'occupe de la gestion des stocks et de la distribution des vivres est venu me rapporter hier que la situation n'a jamais été aussi critique, la famine nous guette sérieusement Kisshu... J'ai donc convoqué le conseil de toute urgence afin de trouver une solution à cette catastrophe. Nous en som-... »

Je me lève d'un bond et tape mes paumes contre le bois du bureau, je regarde Pai sévèrement qui n'a aucune réaction, venant de lui cela n'a rien d'étonnant :

« Attend t'es en train de me dire que la situation est tellement critique que tu as convoqué le conseil et c'est seulement maintenant que tu m'en parles ?! »

« S'il te plaît Kisshu laisse-moi finir... Rassis-toi tu veux. » Dit-il calmement le regard dans le vide attendant que je m’exécute.

J'obéis totalement catastrophé par cette nouvelle. Notre peuple à tellement souffert par le passé et après tout le mal qu'on s'était donné pour lui offrir des conditions de vie plus supportables on allait encore nous les arracher !? Quelle injustice ! Quand pourrons-nous avoir une planète habitable... ? Je ne peux que serrer les dents en me ressassant toutes ces souffrances. Pai continu :

« Nous en sommes donc venu à la conclusion que nous devions retourner sur Terre pour aller chercher de nouvelles ressources... C'est pour ça que je ne t'en ai pas parlé avant Kisshu, et ce parce que même si tu es mon bras droit... Je sais combien cela a été difficile pour toi de quitter cette planète après le combat contre Deep Blue il y a dix ans... »

Je reste abasourdie par ce que m'annonce Pai sur le coup mes yeux s’écarquillent avant de se perdre dans le vide et de laisser place à une mine morose. « Dix ans... déjà...» fût la seule chose qui sortie de ma bouche.

« Je sais que c'est un gros choc pour toi et si tu ne veux pas faire partie de l'opération je comprendrais parfaitement, mais avant de te décider sache qu'on aura vraiment besoin de toi sur place... Tu es notre meilleur élément et tu le sais... Tu as tout le temps pour me donner ta réponse... hum... Je te sens fébrile tu ferais peut-être mieux d'aller te reposer. » Fini-t-il en me regardant avec un air qui se voulait sûrement compatissant.

Je me lève sans un mot et regagne ma chambre toujours perdu dans mes pensés, cette nouvelle à était aussi dévastatrice qu'une bombe...

« Merde Kisshu ressaisis-toi ! »

En dix ans bien que j'ai tenté d'y faire face elle n'a quitté ni mon esprit ni mon cœur et comme chaque fois que j'avais un peu trop le mal du pays je me ruais vers la salle d'entraînement afin de me vider la tête, autant dire que j'ai eu le temps de me sculpté un corps d’Apollon. Mais à quoi me sert ces muscles après tout ? Je n'ai plus besoin de me battre et bien que de nombreuses femmes ont voulu en profiter il n'en fût rien... Je suis toujours autant obsédé par elle à tel point que je préfère finir ma vie tout seul. Alors que j'espérais que cette petite série d'abdominaux me la délogerait de la tête tout un tas de questions prient place. A-t-elle beaucoup changé ? Est-ce que je la reconnaîtrais ? Se souviendra-t-elle de moi ? Et elle, est-ce qu'elle me reconnaîtra ? Et ce... Masaya... serait-elle toujours avec ? Cette dernière pensée me fit monter une telle colère que je m'acharne encore plus sur mon entraînement.

Cela devait faire plus d'une heure maintenant... Je me laisse tomber sur le banc et éponge mon front avec ma serviette tandis ce que je finis ma bouteille d'eau d'une traite. Je la broie dans ma main et la lance dans la corbeille. Je me sentais vidé autant physiquement que mentalement, c'était vraiment ce dont j'avais besoin ! Je m'étire et part me détendre sous une bonne douche.

« Comment tu te sens ? » me demande Taruto en tournant la tête vers moi, assis sur le canapé

Je pénètre dans le séjour en finissant de m'essuyer les cheveux pour ne pas tremper les vêtements propres que je venais d'enfiler. Je lance ma serviette sur un des tabourets du comptoir et ouvre le frigo de la cuisine ouverte à la recherche d'un casse-croûte. Je me sers des restes de riz dans un bol et fini par lui répondre sans même lui jeter un regard.

« Tu me connais, juste à soulever un peu de fonte et ça va mieux. »

Il me regarde l'air franchement pas convaincu alors que je prends place à côté de lui pour manger mon ''repas''.

« Si tu veux en parler... hein... » annonça-t-il visiblement mal à l'aise à cause de la situation.

« Il n'y a rien à dire Taruto, je viendrais parce que bien qu'on me laisse le choix vous avez besoin de moi, je ne vais pas laisser mes sentiments compromettre notre mission... une fois de plus... » Dis-je coupant court à toutes conversations.

« Bien... » Se contenta de répondre Taruto.

Et le jour J fût très vite arrivé...